Friday, June 08, 2007

Et si (27 sept 2006)




Et si

Le suicide n'est pas un acte. On est saisi par le suicide comme par un vertige, on le subit [Jean-Guy Rens]

Le lundi 25 septembre 2006, Monsieur Matty a été happé par cet oiseau de malheur. Il rodait autour de lui depuis longtemps, le narguait puis s’en éloignait pour mieux revenir à la charge, le frôler de ses deux ailes noires de mort. J’ai senti ces ailes se refermer autour de lui comme les barreaux d’une prison, lourdes, si lourdes, je les ai senties.

Je ne peux pas dire que la nouvelle m’ait étonnée, c’est comme si cela allait de soi, comme si c’était dans l’ordre des choses…la tristesse, c’est elle qui m’a mise sur la voie. Une tristesse tellement perceptible et ancrée en lui. Oui, cette douce mélancolie qu’il portait, supportait, emmenait partout avec lui, comme une seconde peau, un second lui. Pas un mot ni un regard sans qu’elle ne se manifeste. Une flamme éteinte dans des yeux fatigués, des mots qui chantent mais une voix qui meurt et qui s’affaiblit.

Monsieur Matty, vous étiez tellement là, discret toujours, modeste aussi mais bien présent.
6 années de cohabitations, 6 années de souvenirs…

Les conversations existentielles de 12h40-13h40 , les petits mots échangés en secret à l’étude et que l’on pensait être les seuls à voir , le harcèlement moral que des tas de filles vous ont infligés pour avoir une photo du garçon convoité , les pourparlers vains du midi ( parviendrons-nous à sortir sans la carte ??) , les premiers choix, les injustices qui font mal..

Vous étiez là, à chaque étape, à l’écoute, devant cette porte translucide. On dit que les murs ont des oreilles, elle en aura entendu des choses, nos confidences, vos bons conseils…

Après avoir appris la nouvelle, je me suis d’abord rappelé les moments privilégiés passés avec lui, mon éduc, les fois où il m’exaspérait, chantait « alexandra, alexandri » à chacun de mes passages (souvenir du doudou) , si j’avais su. Une discussion autour d’un perrier citron au pot d’étain, en équilibre sur nos tabourets respectifs, il y avait tellement à dire encore..si j’avais su.

Ensuite, il y a eu les « et si ». Et si j’avais été à Saint Stanislas plus souvent, et si j’avais suivi mon instinct, et si, et si.

Il est trop tard pour les regrets. On l’aimait si fort, en était-il conscient ?

Monsieur l’éducateur, vous étiez un homme d’exception, un homme bon, humain, si la vie vous semblait insignifiante, votre passage sur ce petit bout de terre aura marqué bien des esprits et les cœurs. On ne vous oubliera jamais.

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